Un lundi ordinaire (par Arturo)




(extrait d'un roman qui dort quelque part dans un ordinateur)







  Quatre du mat’, et ce réveil à la con me sort de mon sommeil. C’est vraiment ballot, j’étais en train de faire un rêve grandiose, et cela faisait bien des semaines que j’en avais pas eu un similaire, ou au moins l’approchant dans sa virtuosité. La voisine du dessus m’avait invité chez elle pour prendre un apéro, et naturellement les choses avaient dérapées. Grâce à mon imagination fertile, au miracle de mes rêveries, la gracile Christelle était en train de sévèrement m’allumer. Après m’avoir sorti un sacré pinard de derrière les fagots, elle m’avait ordonné expressément de me détendre, de me mettre à mon aise, de faire comme chez moi. Sans me faire prier, je descendis mon verre cul sec, avant de commencer à lui palper les nichons. Il faut dire que Christelle avait été généreusement pourvue par Dame Nature, ce n’était pas les plus gros nibards que j’avais approchés, mais ils possédaient un potentiel indéniablement érotique ; à les voir, les observer, ma langue n’avait qu’une envie, un désir puissant et irrépressible, celui de s’y jeter dessus, d’en lécher le pourtour, d’en titiller les tétons jusqu’à ce qu’ils doublent de volume, qu’ils hurlent de plaisir sous les assauts de mon organe frétillant. Parallèlement, ma main descendait plus au sud, vers la zone de vérité, le Saint Graal, j’allais toucher au but, et m’évader vers le septième ciel, un aller simple pour le nirvana… Et voilà pas que cette putain de chanson à la noix vint m’extirper de mes délices.

  Cette sempiternelle voix retentissait, ou plutôt pour être précis un tout-puissant cri de rage, indispensable pour m’expulser du pieu, du bon vieux hard rock lourd, et violent. Le temps de balancer l’appareil à l’autre bout de la pièce, je me rends compte que j’avais une trique du tonnerre, et en explorant la zone impie, je m’aperçus que j’avais encore souillé mes draps, un vrai carnage, j’allais une fois de plus devoir nettoyer le massacre en rentrant du boulot ; la douce Christelle me revenait cher en lessive, j’irai me plaindre auprès d’elle un de ces quatre.

  Une fois les yeux en face des trous, je pose mon étron, comme chaque matin, et je file me ravitailler, m’emplir les entrailles avec ce qui traîne dans le frigo, maintenant que j’ai libéré de l’espace. Ce matin-là, je me suis envoyé trois tranches de sauciflard, un vieux morceau de pizza froide, et un café arrosé d’un bon coup de gnôle. Après une toilette plus que sommaire, c’est-à-dire un zest de déo, trois aller-retour de brosse à dents sur mes chicots dégueulasses, et de l’eau sur la gueule ; j’enfilai mon bleu de travail, mes pompes de sécurité, qui me faisaient gagner quelques centimètres, je me sens toujours plus gaillard avec, comme si le fait de posséder une hauteur supplémentaire me permettait d’accroître considérablement mon égo, et ma capacité à dominer mes congénères.

  Ensuite, je monte dans ma batmobile, une caisse que j’ai tunée à fond, je passe les trois quarts de mon salaire de misère dans ma bagnole, le reste je le mets dans l’alcool. Je regrette pas, je pourrais me payer un tas d’autres trucs, peut-être aller plus souvent aux putes, mais dans mon bolide je ne crains personne. Je défie les lois de la célérité, j’outrepasse toute réalité, en filant à la vitesse lumière à travers routes, chemins, un demi-tour contact et j’emprunte en quatrième une venelle. Et pour ce qui est de la flicaille, j’en fais mon affaire, je connais tous leurs trucs, faut dire qu’ils sont pas bien futés les poulets, toujours postés aux mêmes endroits ; puis maintenant avec la technologie, les radars fixes n’échappent à personne, sauf aux pigeons qui ne pigent rien à la vie. Enfin de temps en temps, avec les potos on va s’en dézinguer un, histoire d’accomplir notre bonne action, un véritable acte citoyen que de détruire ces machines à fric, bonnes à engraisser le sérail, toute la clique au sommet de l’échelle sociale, des députés bien suffisamment rondouillards, ou des fonctionnaires pleins aux as. Mon petit plaisir à moi, c’est quand j’arrive à l’usine comme une balle, en faisant crisser les pneus, je suis une star, tout le monde m’adule sur le parking, comme à l’arrivée d’un rallye, j’ai encore explosé le record du monde, la foule est en délire, les femmes se jettent dans mes bras, et moi je reste stoïque, je prends ma coupe et mon chèque, je décoche à peine un sourire pour les paparazzis et je m’arrache.

  Pour ce qui est du taf en lui-même, j’crois qu’on peut difficilement faire plus chiant. Je suis toute la journée debout, sur une chaîne à emballer du jambon, parfois j’en rêve aussi la nuit de ce foutu bout de lard, mais ce serait plutôt de l’ordre du cauchemar pour le coup. Je suis réglé comme une horloge, quand je suis à mon poste je débranche mon cerveau et je me mets en mode robot. Si jamais je commence à rêvasser, à m’imaginer avec un joli petit cul à mes côtés, vous pouvez être sûr que mon travail va partir en couilles, et que le jambon ne sera pas empaqueté correctement, ce qui aura pour conséquence directe de foutre en rogne mon boss. Rendez-vous compte, mon inconséquence s’avère vitale ! Si les petits gros ne peuvent plus aller s’acheter de la cochonnaille au supermarché, c’est toute la société qui va s’écrouler ! Enfin bref, j’vois ça comme une épreuve d’endurance, puis y’a les pauses clopes, sinon on tiendrait pas. Y’en a qu’un qui fume pas dans l’entrepôt, ce mec il est complètement détraqué, dès que les machines s’arrêtent, normalement tout le monde est content, c’est le signal qu’on peut se détendre, qu’on peut s’en griller une ; ben pas ce mec-là, lui il se met alors à avoir des bouffées de chaleur, il psychote, l’inaction le rend dingue. Si on l’écoutait, les machines tourneraient jours et nuits, grosso merdo ce type-là c’est une perle rare pour un patron, le genre de gars qu’on trouve pas à tous les coins de rue, moi je serais eux, je me démerderais pour le cloner, bâtir toute une armée de bons soldats comme lui, qui n’aspirent qu’à travailler, qui en redemandent, et qui dédient toute leur vie pour le turbin. Moi y’a qu’un instant dans la journée où je revis, c’est quand la cloche retentit, et qu’elle annonce la fin de journée, et qu’ils comptent pas sur moi pour faire des heures sup’, je veux bien sacrifier mes journées pour quelques biftons, mais faut pas pousser le bouchon non plus, les patrons tu les écoutes tu ne dors plus, tu deviens bon pour l’asile, comme l’autre dingo, lui je suis sûr qu’il fait la fermeture, ou peut-être bien qu’il pionce là-bas, en tout cas une chose est sûre, je suis jamais arrivé avant lui le matin, ni reparti après lui le soir, tirez-en les conclusions que vous voudrez ! Parfois je me demande si ce gars-là n’est pas là juste pour nous motiver, pour nous montrer ce vers quoi on devrait tendre en tant que bon ouvrier, enfin pour moi, soit c’est un droïde ultra développé, soit c’est un pauvre con.

  En général, après le boulot, je rentre, je me mate un porno pour relâcher la pression, puis je m’accorde une sieste bien méritée. Après quoi j’enfile quelques fringues un peu classes, si y’en a qui traînent dans l’appart', et je descends la rue pour aller m’en jeter quelques uns au bistrot du coin. C’est primordial d’habiter tout près du QG, si jamais je lève une petite, j’ai juste quelques pas à faire pour l’amener chez moi, et lui faire sa fête ; si t’habites trop loin, elle risque de te filer entre les doigts, elle va cogiter sur le trajet, tout ça c’est prouvé scientifiquement, c’est mon pote Bébert qui m’a enseigné cette brillante théorie. Enfin, je vous rassure, je lève rarement, et lorsque le miracle se produit, c’est soit que j’étais imbibé plus que de raison, et le corollaire étant que je ne me souviens jamais de la qualité de ma prise, ou alors parfois, et je n’en suis pas fier, je ramène ce que je trouve en fin de soirée, ce qu’aucun mâle, ayant conservé sa dignité, avait eu l’audace de faire ; je me sacrifie pour la bonne cause, je réponds à l’appel de ma bite, qui dans ces moments-là prend indéniablement le dessus, une fois qu’elle est durcie comme le marbre, qu’elle est gorgée de sang, il n’y a plus rien à faire, je ne réponds plus de rien.

  Mais ce soir-là, mon cerveau du bas n’avait pas eu à prendre les commandes, il n’y avait strictement rien à se mettre sous la dent. Faut dire que le lundi soir, on se retrouve souvent entre poilus. Le mardi des fois y’a des bonnes soirées, les « ladies nights » comme ils disent, les foufounes sont de sortie, maquillées à la truelle et la jupe ras-la-chatte, le mardi peut clairement être un bon soir. Le mercredi c’est souvent désert, par contre le jeudi est une excellente option, les petites étudiantes qui n’ont pas cours le vendredi viennent s’encanailler avec des fripouilles dans mon genre, la bourgeoise BCBG c’est ma préférée. Celle qui te regarde de haut, qui pisse plus haut que son cul, qui se croit le centre du monde, j’sais pas pourquoi mais les pétasses de ce genre, ça me rend tout chose, j’en mouille mon pantalon d’excitation et de liquide pré-séminal, je ne contrôle plus ma verge les jeudis soirs. Bon, pour ce qui est du week-end, je ne vous apprendrai rien, c’est open bar, y’à qu’à ramasser, les femmes sont en chaleur, les working girls, les étudiantes, les coincées du cul, elles sont toutes là pour une seule et unique raison : s’envoyer en l’air, comme tout le monde. Puis y’a le dimanche soir, qui est comme le lundi, voire peut-être même encore plus mort.   

  Enfin bref, en ce lundi soir tout à fait ordinaire, tout se déroulait à merveille, j’enquillais les verres de pastaga comme du petit lait, je me sentais bien, à deux doigts du coma. C’est là toute ma force, ma résistance légendaire, si je me sens légèrement décliner, que l’alcool commence à avoir raison de moi, je vais prendre un peu l’air. En plein hiver, ça vous file un coup de fouet, et généralement après cinq minutes dans le blizzard, vous êtes de nouveau prêts à consommer.

  Seulement, en cette soirée précise, je connus, dirons-nous, un léger accroc avec mon voisin de beuverie, accoudé au bar. Des heures durant, il m’avait sévèrement gonflé à me raconter ses problèmes existentiels, apparemment sa femme le trompait, et elle le menaçait de se faire la malle avec les chiards, si je me souviens du peu que j’ai retenu. Quoiqu’il en soit, arrivé à un point, j’en ai eu ma claque de l’entendre geindre, je lui ai suggéré qu’il avait qu’à mieux la tenir sa gonzesse, et que s’il la faisait un peu plus jouir au plumard, peut-être bien qu’elle ne serait pas aller se chercher un amant. J’crois que c’est à ce moment-là que je l’ai perdu, que ma cote auprès de mon compère a chuté en flèche. J’avais pas franchement envie de me battre pour une fois, j’étais crevé, et d’ici quelques heures fallait que je retourne gagner ma croûte. Alors, je me suis barré, mais avant de franchir la porte de sortie, je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire d’aller se faire foutre, ou de se faire pédé, enfin un compliment du genre.  

  Et c’est là que j’ai connu une sorte d'absence, sûrement de quelques secondes tout au plus, juste avant ce foutu trou noir, j’ai simplement entendu un grand BOUM !!

  Cette saloperie de petite fiotte m’avait assené un coup terrible sur la tête, pendant que j’étais dehors à tirer sur ma clope, peinard à mater les gonzesses tortiller du cul sur le trottoir d’en face. Le verre s’était brisé en une infinité de morceaux, mon crâne saignait, et le sang se mêlait à la bière qui coulait à flot sur mon front. La binouze suintait sur mon corps, quel gâchis, j’en profitai pour lécher tout ce que je pouvais. Je suçai avec ardeur ce breuvage immonde, ce n’était pas aussi goûteux que de sucer une cramouille à la rose, mais bon sang j’avais soif. Du temps que je retrouve mes esprits, cette baltringue m’a filé un coup de pied dans les valseuses. J’ai cru que mes deux beautés étaient perdues à jamais, tellement cet enfant de salaud avait frappé fort. Je tombai au sol, anéanti par la bassesse de ce plouc. Il m’a tiré mon falzar, pour me piquer mon portefeuille. Le pauvre gars a été sacrément déçu quand il a découvert que j’avais pas un rond, il m’a quand même déchiré l’abonnement de mon vidéoclub porno préféré. Une jolie petite carte, où on pouvait voir une belle plante, aux tétons dantesques qui pointaient.

  Ce rat ne m’aura rien laissé, même pas ma fierté. Une fois que je macérais dans le sang et la bière, les mains sur les couilles en train de gueuler comme un veau, ce petit con a cru bon de me pisser dessus. Quand j’ai entendu sa braguette s’ouvrir, j’ai rassemblé le peu d’énergie de l’ivrogne que j’étais, pour me relever et lui filer un coup de poing sur la queue. Œil pour œil, dent pour dent, ou plutôt bite pour couilles dans ce cas-là.

  Encore une putain de soirée, faut vraiment que j’arrête de traîner dans les caniveaux, à force de ramper sur le pavé, je vais finir par m’y plaire.

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